Vivre à Bruxelles et être salariée d’une société éditrice de sites web… basée à Marseille. Durant presque 7 ans, j'ai eu l'opportunité de travailler selon cette configuration considérée – au moins à l’époque - comme assez exceptionnelle. Bref être employée "en remote" ou télétravail.
Remote quoi ? Quel est ce terme encore très méconnu ? En fait, le travail remote, ce n’est rien d’autre que ce bon vieux « télétravail », même si ce mot sonne aujourd’hui un peu 1998. On parle donc plus récemment de « remote work » (remote = à distance) ou « travail remote ».
En 2018, les free lance sont très nombreux dans cette situation. En revanche, c’est un peu moins courant d’être salarié.e à distance. Les avantage pour les employé.e.s, on les connais bien sûr : gagner du temps en transports, travailler au calme à l’heure où les open space sont devenus la norme et sachant combien il peut être difficile de se concentrer (big up à ceux qui – comme moi- ont besoin de silence pour écrire ). On peut également ajouter aux avantages la possibilité de bénéficier d’une certaine flexibilité des horaires, de profiter de son environnement personnel, de s’occuper de ses chats, ses chiens, ses enfants, ses plantes… Vous comprenez l’idée.
Les employeur.s.es, de leur côté, y voient le moyen de faire de l’économie d’espaces de bureaux et la possibilité de recruter sans contrainte géographique : trouver les meilleurs pour le job, plutôt que les meilleurs dans un rayon de 10km.
Pour qui auraient envie de creuser un peu le sujet, une des bibles – qui date un peu mais est à mon avis toujours pertinente - en la matière est Remote, office not required résumé ici Il émane de la société Basecamp dont l’un des CEO Jason Fried (qui est également favorable à un raccourcissement du temps de travail sur la semaine (j'en reparlerai, son point de vue est très intéressant)
Vous pouvez regarder la vidéo qui illustre cette façon d’aborder le travail salarié. Ce n’est finalement pas si loin de ce que j’ai vécu même si j’ai bien conscience du caractère "pays des licornes et des petits lapins" de cette vidéo, ne serait-ce que parce que je n'ai jamais atteint ce niveau d’ordre et de design épuré chez moi !
On peut tout faire en Remote
Si si ! C’est possible, pour tout ce qui concerne les tâches de la vie d’une boîte qui exerce dans le web.
Le fait d’avoir été embauchée en remote par une société toute nouvelle m’a permis d’expérimenter à distance plein de situations qui s’envisagent normalement face to face. Et de faire tout ce que l'on peut faire dans un boulot salarié : que ce soit la collaboration avec les développeurs pour imaginer un site web avec tout ce que cela comporte (structure, fonctionnalités, design…). Et donc travailler sur des questions très techniques.
On peut aussi recruter. À l’époque, l’une de mes missions a été de constituer une équipe de rédaction free lance pour alimenter un site de tourisme. J’ai collaboré avec certain.e.s durant 3 ou 4 ans sans jamais les voir ! J’ai également animé une équipe en interne, avec son lot de réunions hebdomadaires et mensuelles, ses bons jours et ses aléas RH inévitables, parfois. J’ai noué des liens privilégiés avec d’autres salarié.e.s. Eu le sentiment de faire vraiment partie du même bateau, même assise à 1000 kilomètres de là.
C’est pourquoi je suis convaincue que (presque) tout, aujourd’hui peut-être fait à distance quand on travaille dans le web. En revanche, mieux vaut…
Avoir (et utiliser !) les bons outils
L’offre d’outils collaboratifs a littéralement explosé ces dernières années. Que ce soit pour de la gestion de projet (Asana, Trello), de la communication (tous les chats divers et variés), le stockage de documents (Dropbox, what else ?) etc. Il y en avait un peu moins en 2010 mais très rapidement est arrivé celui qui a tout changé : Slack. La grande force de cette appli, au delà de sa fonction première de plate-forme de communication collaborative : offrir la possibilité de reconstituer des petits moments qui font la vie (et la cohésion) d’une boîte dont les employés sont disséminés en plusieurs endroits. Les discussions collectives, le partage de vidéos de chats, les blagues, les photos du bureau, les trucs débiles qui nous font rire tous en même temps… étaient rendus possibles par cet outil. Slack est rapidement devenue une sorte de machine à café virtuelle qui permettait à tous de communiquer, y compris de façon informelle.
Par ailleurs, en favorisant des échanges asynchrones, elle nous a également permis de rester efficaces tout en conservant une certaine flexibilité d’horaires. Cependant, selon moi, travailler en remote ne dispense pas de…
Se voir et se parler IRL (In Real Life) aussi
J’étais un peu dubitative au début de cette expérience. Arriver à collaborer au quotidien avec toute une équipe à distance me paraissait plutôt abstrait. Pourtant, je ne remercierai jamais assez mon employeur de l’époque d’avoir tenté l’expérience. Et surtout d’avoir pensé un cadre précis prévoyant de rassembler toute l’équipe « en vrai » une fois par mois durant 4 jours. J’étais la seule à être en remote au tout début, mais d’autres salariés ont ensuite adopté cette configuration. Les réunions mensuelles se sont muées en moments très conviviaux, voire festifs, en immersion, dédiés en majeure partie à du travail de réflexion, de conception, de bilan, de prise de distance du rythme quotidien. Un tempo très intéressant et qui a beaucoup joué dans la cohésion de l’équipe.
Le vouloir et non le subir
Evidemment, travailler en remote exige une adaptation de ses habitudes et ses rituels. On est loin des autres. De mon expérience, tout le monde n’y trouve pas forcément l’épanouissement qui a été le mien. Il m’a semblé que ceux qui subissaient étaient ceux qui 1/ n’éprouvaient pas le besoin ou n’étaient pas habitués à communiquer au cours de la journée et/ou 2/ ne sont pas fan de l'écrit dans l'absolu.
N’étant dans aucune de ces catégories puisque je suis une grande bavarde et que mon clavier est l’extension de mes mains, j’enfonce une porte ouverte en précisant que la communication à l’écrit c’est plutôt mon truc. J’ai donc vécu la situation dans des conditions que je considère comme presque idéales. Le seul léger bémol que je peux y avoir trouvé, c’était de parfois rater des petits moments informels de la vie de la boîte avec ceux qui étaient sur place : des discussions du midi, les micro-événements du bureau. Petites frustrations ponctuelles largement compensées par l’autonomie que j’ai pu y gagner.
Autonomie, autonomie, autonomie
A distance, la confiance est fondamentale, en particulier de la part de l’employeur. En tant qu’employé.e, on doit rapidement développer un élan pour se mettre au boulot sans avoir ses collègues sous le nez. Ce fut mon cas. En revanche, j’ai croisé beaucoup de gens à cette période qui me disaient « ohlala bosser de chez moi, je ne pourrais jamais. Je n’arriverais pas à me motiver si je n’étais pas dans un cadre professionnel ». Je n’ai pourtant que rarement souffert de la solitude. Mais je dois préciser que j’étais dans une situation où, ayant des enfants et une vie sociale riche, je ne manquais pas d’interactions, ni de marqueurs pour bien séparer vie pro et vie perso. Ce n’est pas forcément le cas de tout le monde.
Enfin, cette autonomie s’est révélée fondamentale pour passer du statut de salariée à celui de free lance. Habituée à gérer mon planning et mes tâches – voire celles des autres, en tant que chef d’équipe – c’est tout naturellement que j’ai eu envie de continuer sur cette lancée et pousser encore plus loin l’indépendance en ayant une activité tournée vers mes propres clients et collaborations.