La plupart des gens qui me connaissent… connaissent également Karen. Inséparables depuis une bonne dizaine d’année – au point qu’on nous a beaucoup confondues alors qu’on avait des physiques et couleurs de cheveux différents - nous poursuivons une conversation quotidienne à coup de sms échangés par dizaines sur à peu près tous les sujets qui traversent nos vies. Notre déjeuner du vendredi est un rituel presque immuable pour nous motiver et nous aider à progresser dans nos projets respectifs. C’est Karen qui a pris la plupart des photos de mon site et moi qui ne suis pas fan d’être devant l’objectif, avec elle, ça va. J’adore son univers : allez voir sur sa page Instragram ou sur son blog ses magnifiques portraits d’enfants toujours parfaitement stylisés, ses sublimes clichés de nature et de fleurs, son regard à la fois poétiques et profond, empreint de magie.
Hello Karen, dis-moi tout sur ton activité ?
Je travaille dans la politique à mi-temps et le reste du temps je suis photographe et styliste. C’est-à-dire que lors d’un shooting, je vais aussi m’occuper de la façon dont les gens sont habillés ou encore de mettre en scène une recette de cuisine. Mes domaines de prédilection sont la mode enfantine, les portraits et photos de famille, de maternité et d’enfants ainsi que la photo culinaire. Je fais également des shootings professionnels pour des créateurs et des petites marques, que ce soit pour leurs sites ou leurs réseaux sociaux.
Quelles ont été très les grandes lignes de ton parcours jusqu’à présent ?
J’ai fait des études de droit et j’ai toujours travaillé dans le milieu politique. Mais au bout d’un moment, j’ai senti qu’il me fallait trouver une activité plus créative. J’avais toujours fait de la photo en parallèle et c’est le medium créatif qui me semblait une évidence. J’ai l’esprit très visuel et j’accorde beaucoup d’importance aux tons de couleurs. De plus, j’ai toujours vu la vie et ce qui m’entoure sous forme de photos.
Avais-tu une vocation ?
Sans véritablement parler de vocation, j’ai cependant toujours eu envie d’aider les gens. J’envisageais d’être psychologue ou psychiatre. J’ai d’ailleurs commencé à travailler dans le milieu politique pour défendre les droits de l’homme et l’environnement. Finalement, la photo m’apporte une autre façon d’être proche des autres, en leur donnant quelque chose de différent : des souvenirs et de belles images. Lorsque j’arrive à montrer la beauté d’une personne alors qu’elle ne s’aimait pas en photo, c’est du bonheur pour tous.
Comment se déroulent tes journées entre ces deux activités ?
Le matin, je m'occupe essentiellement de mes enfants. N’étant pas du matin, je ne fais à peu près rien de constructif ni d’intéressant durant ma routine matinale (rires). Je pars ensuite travailler au Parlement Européen toute la matinée. Le midi, idéalement, je déjeune avec quelqu'un avec qui je vais pouvoir parler de mes projets (comme lors de nos déjeuners hebdomadaires rituels 😉) et ensuite je rentre chez moi et je mets en place mes activités photographiques. Je peux avoir prévu de faire une session de shooting chez moi ou chez mes clients, ou planifier mes divers projets. Parfois encore, j’édite mes clichés et quand j’ai terminé les retouches, je peux envoyer les galeries à mes clients ou encore préparer des billets pour mon blog.
Donc ta journée de photographe commence plutôt à la mi-journée. Est-ce que tu as des rituels de mise en route ? De définition de ton cadre ?
Pas vraiment, hormis le fait que je mets par écrit ce que je voudrais faire sur la semaine. En général, le dimanche soir, je prends mon agenda qui s’étale sur deux pages, un côté pour les rendez-vous et shootings et un côté avec la to do de la semaine. J’ai défini ce que je veux faire cette semaine-là selon plusieurs étapes : trouver des idées, créer du contenu pour le blog, organiser les shootings ainsi que le travail sur mon site web. Ce qui fait que quand je me mets au travail l'après-midi, j'ouvre cette page et je décide par quoi commencer.
Tu n'as donc pas d'horaires fixes pour ton activité de photographe ?
Non je l'aménage comme je veux. Mais en définitive, ça me prend beaucoup de temps. En commençant par la recherche d’idées pour laquelle je compte au minimum 1h : imaginer le shooting, les couleurs, les emplacements, la lumière, les personnes... Puis le shooting lui-même qui prend 2/3h, l'edit des photos, et enfin l’envoi ou l'utilisation des photos sur un post de blog ou sur Instagram, ou sur le futur site, c'est finalement assez long. Ça dépend surtout du temps que je vais passer à retoucher (de 1 à 5 heures en moyenne mais cela peut aller jusqu’à 2 ou 3 semaines), parce que pour le reste la durée reste en gros la même. Je reviens souvent sur la retouche lorsque je ne suis pas contente des couleurs, ou si je repère des détails qui ne vont pas. Toutes ces activités équivalent à une bonne grosse journée de travail en tout, voire deux jours pour un shooting. Je travaille aussi le week-end, parfois je vais passer un dimanche après-midi ou le samedi soir à finir les retouches.
Est-ce que tu as un rythme naturel dont tu serais consciente ou en tout cas un moment durant lequel tu es la plus productive ?
Je suis clairement plus productive l'après-midi et le soir ou en fin de matinée, si j'ai la possibilité de faire de la photo à ce moment-là. Avant ça… pas tellement.
Dans quel environnement travailles-tu le mieux ?
J'ai toujours bien travaillé dans les atmosphères assez bruyantes, les cafés par exemple. Mais actuellement, je travaille aussi bien dans un bureau très calme, avec une jolie lumière – c’est le plus important désormais - et des plantes, que dans un café si je crée un post de blog par exemple. Quant à l'edit, je peux le faire n'importe où, voire même dans mon lit à minuit, ça m'arrive régulièrement.
De quoi as-tu besoin pour être à l’aise pour travailler en termes de matériel d’environnement ?
Comme je travaille en différentes phases - recherche, shooting, retouches - chacune ne nécessite pas les mêmes choses.
Quand je suis dans la phase de recherche d'idée, je n’ai pas d’ordinateur, pas d'écran, rien du tout ! À part si je veux aller sur Pinterest ou faire des recherches pour m'inspirer. Mais hormis ce cas précis, si je commence à formaliser mes idées, il faut que je sois uniquement sur le papier pour qu’elles commencent à fleurir dans mon esprit. Et alors, vive les carnets avec des tas de couleurs ! D'ailleurs de façon générale, j'aime bien les couleurs pour m'organiser visuellement, écrire, souligner… En particulier le dimanche soir quand j'organise ce que je vais faire la semaine suivante.
Pour les shootings, ça dépend de ce que je fais, mais évidemment, à part le matériel photo, j’ai besoin des objets et accessoires qui me servent pour le stylisme : fleurs, vaisselle, linge etc.
Sinon, à part une tasse de thé, j'aime bien avoir mon agenda et un stylo et contrairement à toi je ne serai pas traumatisée si je n'ai pas un stylo plume (rire) (c’est vrai je déteste écrire au bic, j’écris toujours avec mon Sheaffer d’étudiante). J’aime bien également avoir mon téléphone à coté et un double écran pour écouter de la musique ou regarder une série en même temps que je fais de la retouche.
Qu'est-ce que tu as pu trouver difficile auparavant, qui te poussait hors de ta zone de confort, mais que tu as dépassé ?
Au début je ne trouvais pas facile d’aller prendre en photo des gens que je ne connais pas et d’essayer de les mettre à l'aise. Ça l'est plus aujourd'hui même si je ne suis pas à encore à l'aise à 100%.
M'organiser et me donner un ordre de priorités, a aussi été un véritable travail ! La phase organisation au départ n'est pas toujours évidente pour moi, malgré mon apparence structurée. J’ai appris à le faire mais ça ne m'était pas naturel. Et je me retrouve encore d'ailleurs parfois à faire les choses un peu à droite à gauche ou à commencer 50 trucs en même temps. C’est ma tendance naturelle.
Et ton plus gros challenge actuel ?
Alors j’en ai plusieurs. Actuellement, un de mes plus gros challenge c’est d’affiner mon style photographique. Ce qui signifie travailler beaucoup sur l'edit des photos avec le logiciel Lightroom qui est long à maîtriser. Je veux aussi progresser dans la prise de vue, maîtriser parfaitement mon matériel pour m’adapter à toutes les conditions de shooting.
Pour le développement de mon activité, il faut que je trouve des clients qui recherchent mon style. Et donc finir mon site web, ce qui est mon gros défi actuel. Car cela implique de me définir au préalable afin d’attirer les gens qui seraient intéressés par ce que je fais et ce que je suis. (on peut s’inscrire pour être notifié.e quand son site sera en ligne)
Et alors surtout - j'allais l'oublier alors que c'est le plus gros défi de ma vie, je dois être dans le déni (rire) - : faire des choix ! Décider quelle photo sélectionner en particulier. C'est aussi pour ça que j'envoie beaucoup de clichés à mes clients, de façon à ce qu’ils aient le choix car ils ne sélectionnent pas forcément les mêmes photos que moi. Tous les photographes avec qui j’en parle me disent que c'est important de rendre peu de photos, mais je n'arrive pas à trouver un aspect négatif à rendre plus de photos que nécessaire. Les clients prennent de toute façon 10 photos, mais ce sera leur choix à eux. J’aimerais cependant parvenir à un juste milieu.
Dans tout ce processus, quelles sont les tâches ou phases de travail qui te plaisent le plus ?
J'adore mettre en place un styling ou un shooting, j'adore prendre les photos, j'aime bien aussi toute la retouche, j'aime vraiment tout ! Je suis moins fan de la partie commerciale de mon métier c’est-à-dire me vendre.
Tu es confrontée à des tâches que tu détestes mais qui sont obligatoires ?
Je ne suis vraiment pas fan de toute la partie organisation des photos et archivage sur mon ordinateur. Gérer les sauvegardes, comprendre quand il y a quelque chose qui ne marche pas sur un logiciel, que je perds mes photos ou mes édits, c'est une partie de mon travail avec laquelle je ne suis pas encore super à l'aise mais sur laquelle je progresse.
Ma question fétiche : es-tu tout digital ou carnet et stylo ?
Je suis un peu plus digital qu’avant mais j'ai quand même 50 carnets et des stylos, j'écris encore pas mal. D'autant plus depuis que j'ai fait le cours en ligne de mon amie Kim Klassen.
Et plutôt multitasking ou monotâche ?
Multitasking vraiment ! Trop peut-être (rire) ! À certains moments, je me rends bien compte que j'ai commencé 5 tâches différentes et que si je veux en finir 1, il va bien falloir que j'arrête et que je me concentre sur une seule à la fois. Mais dans l'ensemble, j'arrive très bien à m'en sortir avec le multitasking.
Voilà qui est controversé à notre époque où l’on dénonce de plus en plus le manque de concentration induit par le fait de mener plusieurs tâches en même temps.
Je sais bien ! je me suis bien rendu compte en en parlant notamment avec mon amie photographe Siobhan Watts par exemple. C'est elle qui m'a décomplexée de regarder une série tout en éditant mes photos par exemple. C'était, selon moi, le mal absolu mais je me rends compte que pas mal de gens font ça et s'en sortent très bien ! Mon travail n'en est pas moins efficace, ni moins bien fait. Et je sais bien que ce n'est pas le cas de tout le monde, mais de la même façon que durant mes études, je pouvais travailler dans un endroit bruyant, je trouve que travailler dans le silence d’une bibliothèque est plus stressant car le moindre bruit m'empêche de me concentrer. Donc le multitasking c'est plutôt mon état naturel !
Et plutôt rapide ou lente du coup ?
Rapide, clairement. Je pourrais passer 10 jours sur une photo sans vouloir la rendre parce qu'on peut toujours refaire sans cesse. Mais je me rends compte que pour les prises de vue, les retouches et rendre un travail, je vais le faire très rapidement, oui.
Tu arrives donc facilement à déterminer le moment où tu te dis « c'est bon, je peux rendre la photo au client » ?
Je n'atteins jamais ce moment exactement. C'est plutôt que je me dis « là j'arrive au stade où je peux y passer 10 ans, ou le rendre maintenant ». Parce que, même si je peux toujours faire mieux, je sens que c’est le moment d’arrêter. Je ne suis pas 100% contente du résultat mais je choisis de le rendre. Évidemment il y a mon problème de choix mais si je me suis donné un délai, même si le client ne me met pas la pression, je le respecte.
Tu es plutôt efficace ou procrastinatrice ?
Ça dépend mais si je devais mettre un pourcentage, je dirais que je suis plutôt procrastinatrice (rire) ! En revanche, je suis très efficace si je sais que j'ai une deadline et qu'il faut que je la respecte. Pour une marque ou un client, je suis très réactive. Pour mon site web, pour lequel je n'ai pas encore de véritable date de lancement, je procrastine un peu. Mais il ne s’agit pas directement de mon activité photo dans ce cas-là.
Et comment fais-tu pour te motiver les jours difficiles ?
Si j'ai un shooting, j'ai un shooting, je dois le faire et je me motive en me disant que je vais passer un bon moment pendant et après.
Si je ne suis pas très motivée pour, par exemple, trouver des idées, je sais qu'il faut que je laisse passer du temps à ne rien faire pour rebondir après. J’ai appris que c'est ce qui marche même si, avant, je pensais être arrivée au bout de ma créativité en faisant ça (rire) ! Je sais maintenant qu’il est super important de s’accorder cette parenthèse pour pouvoir se remotiver et retrouver des idées.
Quel est le meilleur conseil que tu aies reçu ?
Le meilleur conseil selon moi, c'est que c'est en faisant, en pratiquant, qu'on finit par y arriver. Donc il est normal, au début, de trouver que nos photos ne sont pas terribles. C'est en expérimentant, en prenant son appareil tous les jours, en essayant, ré-essayant, en faisant des shootings et des shootings qu'on finit par commencer à voir un résultat valable.
As-tu des mentors et des modèles dans ta façon de travailler ?
Comme mentors, je peux citer les Mélia dont j’aime beaucoup le travail et qui partagent énormément leurs connaissances. Xanthe Berkeley aussi car elle reste terre-à-terre tout en étant très organisée, très colorée et joyeuse. Kim Klassen dont je te parlais, qui est toujours très positive et motivée et dont les podcasts m’aident beaucoup, ainsi que ses cours sur l'écriture et la façon dont elle entrevoit la photographie. Je les considère à la fois comme des modèles et des mentors.
Avec toutes ces activités, comment arrives-tu à équilibrer vie pro et perso ?
Ce n’est pas toujours facile quand tu veux faire les choses bien dans tous les domaines. Il faut quand même essayer de diriger son énergie sur les différents dossiers de façon égale et ce n'est pas évident. Si tu veux bien t'occuper de tes enfants et faire ce qu'il faut pour eux et en même temps te donner dans une nouvelle activité. D'ailleurs je pense que ce n'est pas un hasard si je n'ai pas commencé la photo avant qu'ils aient un certain âge. Le fait de se lancer dans des entreprises plus personnelles demande une certaine énergie, difficile à déplacer quand ils sont petits et ont besoin de plus de ton temps.
Je pense qu’il est surtout important de se déculpabiliser. Sur le fait qu'on passe trop de temps sur un sujet ou sur l'autre. De ne pas toujours entrevoir les conséquences négatives à long terme. D'apprendre à connaître aussi ses limites, de savoir que ce n’est pas possible de faire tout en même temps et donc de prioriser et se dire qu'aujourd'hui c'est plus mes enfants, demain plus mes photos.
Enfin, que fais-tu pour prendre soin de toi ?
Je me réserve du temps seule, c'est très important pour moi. Voire, je voyage seule. Je passe également du temps avec mes copines. Je développe mes connaissances aussi. Je tiens beaucoup à prendre des cours à côté de mon activité, à consacrer du temps à apprendre, aller voir des expos. Tout cela me nourrit dans mon travail de photographe.
Voici une petite galerie pour découvrir un peu plus le travail de Karen. À voir aussi sur son blog. Ça vous plaît ? N’hésitez pas à la contacter si vous avez envie de vous offrir de beaux souvenir en famille ou au cours d’un moment particulier (une grossesse, une naissance ou autre). Karen travaille également avec de jolies marques ou créateurs, à Bruxelles mais elle se déplace aussi souvent en France, Belgique, Pays-Bas, UK, Suède…