Faire 5 choses en même temps, c'est son métier ! Aujourd’hui, je vous présente Angela, que j’ai rencontrée lorsque je me suis installée dans l’espace de coworking Silversquare. En tant que « business manager » de celui situé place Stéphanie à Bruxelles, elle est chargée d’accueillir, chouchouter les membres du coworking, tout en travaillant sur le développement du concept, en pensant les nouveaux espaces, organisant des événements, le tout avec patience et le sourire. Avec un métier qui me permet de m’enfermer dans un silence total en tête-à-tête avec mon clavier quand j’ai besoin de m’isoler, j’admire beaucoup les personnes qui sont en contact quotidien avec leurs semblables. Angela est capable de répondre au téléphone, écrire un mail, retenir les noms et jobs de tous les gens qu'elle croise… quasiment en même temps. Un boulot au rythme soutenu, qui exige beaucoup de disponibilité et de jongler sans cesse entre les sujets. Bref cette super-héroïne du contact humain est passée sur le gril de mes questions et s’est confiée avec sincérité.
Hello Angela, quel est ton métier ?
Mon poste a pour titre Business manager mais il englobe beaucoup de choses, c’est d’ailleurs le cas de tout le monde chez Silversquare. Les titres peuvent être restrictifs et en réalité, je suis aussi Community manager, un peu Event manager, un peu Office manager. C'est donc hyper varié. Peut-être un petit peu intense en ce moment de ma vie (nous avons fait l’interview juste avant le départ d’Angela en congé maternité) mais j'adore cette variété.
Concrètement, que recouvre donc ta fonction, si tu peux me donner une description de ton boulot ?
Pour la partie commerciale, je m’occupe des visites des (futurs) nouveaux membres du coworking, je négocie les contrats. Ensuite, je gère le volet Events, dont l’objectif est de faire en sorte qu'il y ait des choses qui se passent ici : des conférences, l’organisation de moments qui permettent aux membres de se rencontrer. Il faut être à l’écoute des gens, bien connaître tout le monde. Dans la partie logistique, nous faisons tous un peu de tout : que ce soit la gestion du bâtiment, du système de sécurité, savoir être à la réception pour accueillir les personnes, faire un bon suivi de la facturation, avec un système de communication très fluide dans l’équipe locale pour être au courant de tout. Et à cela s’ajoute en plus le côté développement de l’espace - on le fait évoluer, on l’agrandit - avec des architectes. Ainsi que des projets ponctuels comme la nouvelle brochure de Silversquare pour laquelle j'ai travaillé avec une agence créative.
C’est donc très complet. Tu as fait une formation dans le même domaine ?
Alors pas du tout ! Je suis espagnole j'ai fait des études de droit et économie à Séville, un programme double, assez exigeant de 6 ans. J’ai enchaîné en Espagne dans un cabinet d’avocat en tant que conseillère juridique mais ça m'ennuyait énormément : je voyais les gens autour de moi et je ne voulais pas être comme eux. Je n'aimais pas les grosses structures hiérarchiques un peu imperméables où les juniors restent entre eux, les secrétaires aussi.. tout était assez cloisonné.
Au bout de 4 ans, j'ai décidé de déménager en Belgique. Avec un but : trouver un « chouette boulot ». J’ai trouvé un poste au sein d'une petite start-up, et ils m'ont annoncé juste avant de commencer leur installation à Berlin. J’ai donc accepté d’être basée là-bas juste après mes fiançailles : j’aimais le projet, je suis arrivée seule dans une ville inconnue, multiculturelle, complètement nouvelle. J’ai adoré Berlin, son atmosphère artistique, sa mixité, il y avait le gros boom des start up, je travaillais dans un coworking, assez alternatif. Une super période de ma vie. Ça a duré 2 ans. Je me suis mariée entretemps et j’ai fait la navette plus régulièrement entre Berlin et Bruxelles. Au bout d'un moment j’ai décidé de rentrer, et j’ai trouvé un autre travail dans un projet très intéressant sur le volet éducation d’une fondation privée avec des projets humanistes. J'ai rencontré des gens passionants mais le travail en soi n'était pas aussi excitant et il me manquait l’aspect humain, le contact avec plus de gens ou tout simplement de voir le résultat direct et concret de ton travail.
Après ça, j'ai fait une pause de 10 mois lorsque j’ai eu mon premier enfant. Ayant un jour croisé une copine qui travaillait chez Silversquare, très enthousiaste sur son boulot, j’ai postulé. L'entretien s'est super bien passé et j’ai été prise en dépit de mon expérience commerciale très limitée. Au delà de mes compétences de base, c’est l’attitude envers le travail qui a été valorisée et comme je ne suis pas une personne timide ou renfermée, ça s'est fait assez naturellement. Mes collègues viennent d’ailleurs aussi de milieu très différents (commerce, logopédie (orthophoniste en français de France ;-)), philo, architecture d'intérieur) mais il faut une bonne prédisposition à ce travail.
Avais-tu une vocation ?
J'ai toujours aimé l'architecture et la psychologie. Mais j’ai fait des études de droit un peu par inertie. Mes parents sont avocats en Espagne où l'on est très conditionné par la société et notre entourage. C'est difficile d'être soi. J’ai donc suivi le chemin qui m’a été imposé : tu dois faire ce qui te ressemble de l'extérieur et ce qui va te rapporter le plus de moyens dans ta vie. Ce que je trouve absurde car si tu n'es pas intéressée, tu ne vas pas être bonne.
Aujourd’hui, concrètement, comment se déroulent tes journées ? Tu as une journée type ?
Non c’est impossible (rires). Comme nous sommes en contact quotidien avec le public notamment, c’est impossible d'avoir une journée type. Il y a certaines choses qu'on peut rendre récurrentes mais ça ne marche pas toujours. Les journées passent tellement vite, tellement de choses peuvent se passer que je ne peux pas m’isoler. Je suis toujours dépendante de mes collègues comme elles le sont de moi. C'est du vrai travail en équipe ! Tu ne peux pas laisser ta collègue seule à la réception avec tout ce qu'il y a à traiter à chaque moment : la relation avec le bâtiment, la relation avec les membres et les tâches courantes. Je ne passe donc pas beaucoup de temps à la suite devant l’ordinateur parce que je suis tout le temps face aux gens mais c'est mon outil principal de communication avec mes autres collègues. Il faut aussi avoir le temps pour un service de base qui doit être bien fait. C'est un défi que l'on a jusqu'à présent et qui existera encore, cet équilibre entre le travail derrière un ordinateur avec le travail de base et puis le contact avec les gens.
Tu arrives quand même à mettre en place des rituels pour démarrer ta journée de boulot ?
Je regarde très souvent mes emails, même si on dit qu'il ne faut pas le faire. Un peu toute la journée, comme ça je peux déjà faire un pré-tri qui va m'aider quand je vais m'asseoir devant mon ordi. Nous faisons aussi une réunion d’équipe avant de commencer la journée pour faire un point agenda, si l’une ou l’autre a des réunions, afin de planifier la semaine, les événements. À partir de là, je fais ma to do list en fonction des priorités de la journée. Je peux planifier ou avoir des rendez-vous qui arrivent sans prévenir.
Tu as pourtant des horaires fixes ?
Oui en effet et, en général, dans ma carrière, j’essaie de bien faire la distinction entre ma vie professionnelle et ma vie personnelle. Comme je suis employée, je fais le maximum de mes journées. J’ai une famille, un enfant, je ne peux plus me permettre de me détacher complètement des horaires car j'ai d'autres obligations. Je le faisais quand j'étais plus jeune. Mais c'est un piège car notre travail est très intense et si tu rallonge la durée, tu peux vite t’épuiser.
Tu n'as pas le choix de ton cadre de travail puisque tu es dans un coworking, comment vis-tu cet environnement ?
J'adore ça ! Être en contact avec les membres de l’espace notamment. Mais pour avancer sur des sujets de fond ou des bêtes emails, c'est super difficile (rire). Mais je ne me plains pas puisque ça fait partie de mon travail d'être là, disponible et à l'écoute. L’avantage c’est que tu ne sais jamais sur quel projet peut découler une simple conversation : une super idée, organiser un événement, apprendre que les besoins de la personne ont changé. J’apprécie beaucoup d'être dans un espace commun, je pense que je ne pourrais pas travailler toute seule chez moi. Le fait d'être entourée d'autres personnes, même si tu ne parles pas avec eux, te ramène une énergie différente. Personne n’a un bureau dans l'équipe. Si je vais dans un bureau ici, c'est pour avoir de l'intimité, pour pouvoir avancer dans le travail de fond.
Quels sont les difficultés que tu as dépassées dans cette activité ?
Grâce à mon boulot, je développe des capacités comme celle que je n’avais pas du tout de retenir tous les prénoms et noms des gens que je croise (rire). J’ai également du apprendre à "vendre". L’expérience de mes collègues m'a beaucoup aidée pour ça. Je n’avais jamais négocié auparavant non plus mais j'ai aimé en apprendre l'aspect psychologique. J’y ai retrouvé une dimension qui m’a toujours intéressée.
Le fait d’être sur un poste commercial m’a également aidée à être moi-même. Pour être bonne, il faut être authentique, tu ne peux pas porter de masque tout en restant crédible dans une activité commerciale. Me montrer comme je suis et ne pas trop penser à ce que les autres vont penser de moi est donc mon arme principale dans mon travail. Quand tu rencontres tous les jours un certain nombre de personnes si différentes les unes des autres, la seule chose que tu peux faire c'est de t’ancrer sur toi-même. Sinon, cela te coûte beaucoup d’énergie.
Quel est ton plus gros challenge actuel ?
Notre gros défi c’est de démarrer une tâche et de la terminer ! Je peux commencer un mail à 9h du matin et le finir à 15h parce que je vais être interrompue à chaque moment par une réunion impromptue, un appel, une demande d'un membre, la réception. C'est frustrant mais ça fait partie de notre travail. Ce gros défi exige beaucoup de souplesse mentale pour m’organiser afin d’obtenir cet équilibre entre être disponible pour les gens… mais faire avancer mon travail aussi.
Parfois, ceux qui ont un contact client ou membre avec nous, ne se rendent pas compte de la charge de travail que nous assumons. Certains croient qu'on n’a juste à les appeler quand un visiteur arrive ou remplir la machine à café. Mais en fait, on est une structure en plein développement ! Si tu n'as pas une équipe qui communique et s'entend très très bien, c’est la cata ! Une des principales raisons pour laquelle je suis contente de mon boulot jusqu’à présent, c’est l’entente avec ma collègue Mégane. On est toutes les deux assez structurées, mais on rigole beaucoup et ça change tout, c’est essentiel.
Quelles sont les tâches / phases de travail qui te plaisent le plus ?
Ce que je préfère c’est la surprise des rencontres. Parfois tu découvres une personne passionnante, ouverte, facile à traiter. Parfois tu es devant des profils qui n’ont rien à voir avec toi. Et c'est intéressant aussi. J’aime bien aussi tout ce qui est organisation et logistique, parce que c'est le côté actif. Ici c'est un peu comme si on avait une énorme maison de 2500 m2. J'adore aussi l’aspect architectural.
Et j’imagine que tu vas aussi me demander ce qui me plaît le moins (rires) (effectivement c’est logiquement la question suivante). C’est faire des rapports ! Comme notre travail est très dynamique, je ne suis plus habituée à m’arrêter pour traiter des données chiffrées. On n'en a pas tant que ça mais c'est une chose avec laquelle je peux parfois procrastiner.
Es-tu du genre tout digital ou carnet et stylo ?
Les deux ! J'essaie d'avoir le maximum en digital, surtout pour la collaboration, du type Trello. Mais le bête carnet et le stylo restent le mieux. Rien ne remplace le plaisir de barrer !(je crois que le consensus est total là-dessus 😄). Je suis assez post-it aussi. Parce que les outils digitaux, il faut aller les regarder, ça exige plus de pro-activité. Alors que le post-it, est toujours là, il te dit "je suis là, je suis jaune, regarde-moi".
J’allais te demander si tu es plutôt du genre multitasking ou monotâche mais tu n'as pas le choix en fait.
Je dois être multitâches. La collaboration avec les autres membres de l'équipe, même s'ils ne sont pas là physiquement fait qu'il y a plein de canaux de communication. Il faut être productive et faire avancer les choses tout en étant disponible pour les demandes externes et celles de ton équipe. Mes outils les plus importants sont ma boîte mail, le chat avec mon équipe et puis la vie réelle. L’interaction de ces 3 peut être la folie. Personnellement, j'ai du mal à ne pas multitasker : je commence un truc, je me souviens d'un autre truc plus important et je switche. J’avance comme ça mais je pense que je devrais peut-être changer un peu pour économiser de l’énergie.
Dans ton rythme naturel, tu es plutôt rapide ou lente ?
Normale. Dans ma vie j’aime la lenteur mais ici je n’ai pas le choix je dois être rapide. Je trouve un équilibre entre les deux.
Plutôt à l’heure ou du genre à faire les choses à l’avance ou au dernier moment ?
Si c'est quelque chose que j’aime bien, je le fais rapidement. En revanche, j’ai donc tendance à repousser le reporting. Tout dépend de l’importance ou du plaisir que je donne à chaque tâche. Mais typiquement, si je procrastine, la tâche se transforme en une boule énorme alors que si je le fais, c'est un soulagement énorme aussi.
Comment te motives-tu les jours de baisse de forme ?
Ces jours là, j'ai la chance, par la nature de mon travail, de trouver de la motivation à l'extérieur de moi et c'est très positif. Avec les nombreux contacts que j'ai, je sais quelles personnes vont me motiver, avec qui je vais avoir une discussion chouette qui va me remettre en forme. C'est curieux, mais les interactions consomment beaucoup d'énergie mais en donnent aussi beaucoup!
Le meilleur conseil professionnel que tu aies jamais reçu pour ton travail ?
Être à l'écoute du client, car de cette écoute vont émerger beaucoup de choses. Elle peut éviter beaucoup de malentendus et de problèmes. J'ai aussi mon mantra personnel, qui est tout simple c'est "Une chose après l’autre". Même face à une énorme to do list, il me permet d’éviter le découragement. On m’a aussi conseillé de ne pas être trop perfectionniste, essayer les choses même si ce m'est pas parfait !
Comment arrives-tu à équilibrer vie perso et vie pro ?
Mon travail étant présentiel, je dois cloisonner, je ne peux pas faire autrement. Je survole mes emails le week-end, juste pour faire un tri et je suis disponible bien sûr, si mon équipe a un besoin urgent. Ceci dit, je ne suis pas sur mon téléphone quand je suis avec mon fils, mes amis etc. Je suis en 4/5ème et lorsque je termine ma journée ici et c’est comme si une autre journée recommençait avec ma famille, je dois laisser les choses derrière moi. J’y arrive car je sais que je suis épaulée par mes collègues : le travail de fond fonctionne bien, ainsi que la dynamique d'équipe.
Comment prends-tu soin de toi ?
J’aime beaucoup lire selon des sujets qui changent selon les périodes. En ce moment, j’ai des lectures orientées sur des thématiques psychologiques et d’éducation. Ça me nourrit beaucoup. Et bien sûr je passe du temps chez moi à cuisiner, faire des activités artistiques tout comme j’aime sortir et être dans la nature. De façon générale, je profite plus du contact dans des cercles restreints car je m'efface un peu dans un groupe. Donc ce qui me recharge, c'est l’échange direct, avec une ou deux copines
J’aime beaucoup la contemplation, comme de temps en temps être dehors et regarder le ciel au milieu de la journée, ça me fait me sentir vivante, c'est un grand plaisir. Cela m’aide à relativiser en cas de difficultés car je ne veux pas être une personne stressée et tendue.
As-tu des mentors ? Des modèles ?
Je peux te citer mon père qui est avocat et est très équilibré, rigoureux. J’admire aussi les qualités de mes collègues : Mégane qui est très structurée, elle travaille à fond, ainsi que ma collègue Marie, dont j'aime beaucoup le point de vue critique et le positivisme. Et j’admire chez mon mari, sa capacité à bosser et se donner à fond.
Sinon, je m’efforce de beaucoup croire en moi aussi. Bien sûr il faut se poser des questions, le doute permet d’avancer mais j’essaie de me soutenir moi-même et d’être ma plus grande fan (rire). Si je ne le fais pas, qui va le faire ?